Comment le fact-checking peut-il améliorer le débat public?

Concrètement, comment le fact-checking - voire plus précisément la vérification collaborative des informations sur CaptainFact - peut-il améliorer la qualité des débats publics ?
Les débats devraient-ils tous être vérifiés ? Tant sur le plan factuel que rhétorique ?
Une plateforme telle que CaptainFact devrait elle être mise en avant durant des débats télévisés pour inciter les citoyens à réfléchir sur les contenus ?
Comment faire ?
Quel rôle pourrait jouer la Commission Nationale du Débat Public ?
D’après vous ?

PS : Vos réflexions partagées ici pourraient alimenter une stratégie ou une communication de CaptainFact :slight_smile:

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Je pense qu’il convient déjà de définir ce qu’est le fact checking et son but. De mon point de vue, ce serait le processus de vérification permettant, quand c’est possible, de déterminer si un proposition est vraie ou fausse, ou alors à quel point on peut lui donner du crédit par rapport aux preuves qu’on a à disposition. Les informations qu’on reçoit peuvent être de simples opinions et non des faits avérés. Je ne pense pas qu’il soit facile de distinguer les deux simplement en écoutant quelqu’un parler, et avoir à notre disposition des outils collaboratifs de fact-checking permet de vérifier les propos énoncés pour essayer de s’approcher un peu plus de la vérité.
J’ai déjà fais l’experience de vérifier toutes les phrases énoncés par une personne dans un vidéo et c’est extrêmement difficile (voir impossible).

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Je pense qu’il y à déjà suffisamment de matière dans la complosphère pour alimenter CaptainFact pour un bon petit bout de temps:

  • Sur le plan factuel, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée de proposer un outil pour « compter les points » lors d’un débat (risque de polarisation des membres).
  • Pour l’analyse rhétorique: celle-ci n’a d’intérêt que si leurs auteurs ont eu un contrôle complet de leur discours. Clairement, une vidéo qu’un speaker choisi de diffuser peut s’analyser, un live fait face un journaliste un peu taquin ou un contradicteur agressif est beaucoup moins « objective » et risque de donner une image fausse.
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Il serait vraiment temps de mettre les faits au cœur des débats… au lieu comme aujourd’hui d’encourager le débat public à s’attaquer sur des opinions ou des idées qui ne verront jamais le jour, ou qui n’ont aucune réalité, tel l’engagement de M. Macron pour l’écologie…

de @Adel
Je pense qu’il convient déjà de définir ce qu’est le fact checking et son but

C’est une bonne question… j’apprécie particulièrement la définition mise en avant par wikipédia :

La vérification des faits est une technique consistant d’une part à vérifier en temps instantané la véracité des faits et l’exactitude des chiffres présentés dans les médias par des personnalités politiques et des experts.

Les personnalités politiques étant les principaux acteurs du débat, le fact-checking de leurs interventions à la télévision, en vidéo, … me parait fondamental. Impossible de débattre correctement sans réfléchir à la qualité factuelle des propositions et idées formulées par les acteurs politiques.

Peut-être que CaptainFact pourrait aider si les spectateurs des débats étaient invités à réfléchir aux faits et aux contextualisations réalisées sur la plateforme de fact-checking, au lieu de tout gober passivement sans creuser le fond de chaque discours.

A l’image de l’opération COVID19 que nous avons organisé, je pense que CaptainFact peut ou pourrait apporter les éléments suivant pour la bonne tenue d’un débat public :

  • Centraliser le contenu des débats afin de les soumettre au plus grand nombre.
  • Offrir au plus grand nombre la possibilité d’exprimer leur accord/desaccord sur une proposition ou un argument (En faveur, ou contre), en y apportant des éléments factuels pour étayer les propos.
  • Eliminer ‹ l’affecte › dans les échanges, en forçant les débatteurs à structurer leur contribution sur la base d’éléments factuels.
  • Fournir un outil (CF) qui peut devenir une référence nationale pour tout type de débat nécessitant la vérification des informations.
  • Apporter une réelle crédibilité sur la qualité des débats.

Ce qu’il manque à CF pour remplir ces objectifs :

  • La gestion des arguments fallacieux.
  • La possibilité de vérifier du contenu de type Texte/Audio
  • La possibilité de vérifier les vidéos DailyMotion (la CNDP n’utilise que cette plateforme vidéo)
  • Amélioration des options de modération/admin, pour corriger rapidement les erreurs nécessitant des accès privilégiés (Sans être dépendant d’un dev)
  • Moyen de structurer un débat (Sur le principe exploité par CartoDebat par exemple)
  • Du temps de développement
  • Des finances
  • La rédaction d’un document CNDP<–>CF indiquant clairement le partenariat mis en place, les éventuels soutiens financiers/humains reçus, et le rendre public pour la transparence.
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Il y a un élément intéressant avec CNN fact check :


Ils vérifient les prises de paroles de personnes et on en font des analyses vidéos rapides. Le résult de l’analyses pourrait-il être la source pour des journalistes ? Qui pourraient nous avoir sollicités ?
Chez CNN il n’y a pas d’analyses de débats. Cette analyse est toujours compliquée même si l’analyse rhétorique peut dire beaucoup. Voir la vidéo de Defakator sur les débats avec références à Schopenhauer :

Je pense que l’analyse de prises de paroles et discours seraient assez facile à réaliser mais quel serait l’évènement qui déclencherait de telles vérifications ? Une demande de journalistes ? La référence dans des médias ou des médias sociaux à forte audition ? Un moment important : élections, crise internationale… ? L’appel par des mouvements citoyens ?
Qui arbitrerait la décision d’analyser ?
On peut aussi se poser la question de l’équilibre politique de telles vérifications : Trump fait-il exprès de mentir en public pour que l’on parle de lui en permanence et que cela occupe bien les médias ?
Doit-on s’assurer de vérifier les affirmations des différentes parties durant le débat public ?

Le problème de toute ces vérifications c’est qu’elle restent particulière, donc limitées dans le temps.

Le bon vieux réflexe « propositionnaliste » des positivistes est d’imaginer une analyse de la véracité par proposition énoncée. Il suffirait alors de recouper des propositions énoncées à l’aide l’informatique. Je ne m’attarderai pas ici sur cette idée délirante.

A mon sens il n’y a qu’un piste : faire des indice de véracité (et autres indices s’appliquant à des discours) à partir des discours passés d’un auteur, d’un média, dans une émission, d’un journaliste (qui laisse dire), etc.
C’est donc in fine un observatoire de crédibilité ou de positionnement.
C’est à mon sens le plus grand service qui pourrait être rendu par le fact-checking au débat public.

Bonsoir,

Je ne pensais pas que vous auriez le désir d’étendre les possibilités de CaptainFact au débat public, mais force est de constater que ce dernier a un grand besoin sinon de fact checking, au moins de retrouver de la confiance en les propos qu’il véhicule ou échange.

Attention toutefois, parlez-vous du débat en public ou bien du débat de la chose publique ?

  • Concernant le débat en général :

    • Si on parle de débattre en public, on considère que les personnes se réunissent pour débattre, qu’elles se sont probablement entendues sur les règles et le cadre du débat, faute de quoi il s’agit d’une simple discussion et on ne parle pas de ça, n’est ce pas ? En revanche si on parle bien d’un débat avec un cadre, la vérification des faits permettrait sans doute d’éviter certaines impasses à condition que les débatteurs aient accepté de renoncer à défendre un propos s’il est solidement et factuellement réfuté. Cela exige beaucoup, beaucoup de maturité.
      Et bien sûr, si le débat est enregistré, rien n’empêche de le poster sur CaptainFact ensuite (selon l’enjeu j’imagine).

    • Si à présent, on parle de débattre de la chose publique, de discussions à caractère politique, citoyenne, il faut ajouter au cocktail précédent, outre le cadre, le fait que les enjeux pourraient être beaucoup plus importants et l’intérêt à tordre les faits pourrait devenir carrément stratégique.
      Les résultats de ce type de débat ayant un impact sur beaucoup plus de personnes, la corruption et l’intervention de conflits d’intérêt dans le fact checking pourrait fort bien fausser la donne. Rien n’empêcherait un débatteur de rémunérer des personnes pour ajouter des sources de son cru à ses arguments.
      Paradoxalement c’est là pourtant que la vérification des faits serait la plus utile et la plus nécessaire selon moi. Et c’est là à mon sens que la CNDP aurait peut être un rôle à jouer, en cherchant des solutions pour permettre de lever ces risques de corruption et de conflit d’intérêt, voir en formant des personnes à les mettre en évidence et les prévenir.

  • Si l’on parle à présent de débat télévisé se pose le problème de la synchronisation du débat et de la vérification des faits.

    • Si l’on ne se préoccupe pas de ce point, alors on peut traiter les débats a posteriori. On peut demander à la CNDP ou à une personne qu’elle aurait formée de juger si le débat s’est déroulé selon les règles ou bien si les résultats dudit débat sont altérés par l’une ou l’autre des raisons citées plus haut. Notez que je ne parle pas de censure ou autre, je parle juste de commenter le débat en indiquant ce qu’il y a à redire sur la méthode.
      Et ensuite, il est possible de fact checker sur CF les propos tenus lors du débat. La complémentation du cadre et des faits serait déjà un gros plus à apporter aux échanges.
      Et je parle bien d’un commentaire qualitatif : pas d’une note ou d’un indice à apporter au débat.
      => Ce serait donc un fonctionnement similaire à celui déjà en place sur CF, mais avec la CNDP (ou sa prolongation) pour gérer les cas mis en lumière par DocFred et Adel : les arguments fallacieux, les propos non-factuels (parce que leur logique les empêche d’être validés ou non) et les faits non-vérifiables (parce qu’ils touchent à la vie privée ou aux intentions).

    • On peut aussi imaginer traiter le débat télévisé à la volée, avec possibilité de faire des interruptions dédiées au fact checking.
      C’est plus compliqué à envisager car le fact checkingfonctionne sur un temps long et le débat en général sur un temps relativement court. On peut imaginer que les participants d’un débat se soient mis d’accord pour qu’eux-mêmes (ou l’animateur) puissent arrêter la discussion lorsqu’ils ont un doute sur un fait avancé par l’un des participants. Ceci leur permettrait d’effectuer d’effectuer une demande de vérification immédiate. Il y a beaucoup de procédés, tous sortes du cadre de CaptainFact je pense, mais en voici deux exemples :

      • Faire une vérification rapide de fait en demandant des sources. Cela a le mérite de permettre de récupérer rapidement une information, d’autant plus qu’il y a de personnes pour la chercher. Bien sûr le risque est qu’il y ait des réponses trop rapides avec des sources qui semblent fiables mais ne résistent pas à un examen approfondi (qui n’aurait pas le temps d’être mené). Voir pire : des personnes qui publieraient des sources au moment où la question est posée, juste pour permettre un fact checking positif là où il n’y a pas lieu.
      • Se doter d’experts des sujets qui sont à aborder, en ayant pris soin de s’assurer qu’aucun de ces experts ne soient à lier au débat. Lorsqu’il y a un doute, chacun des débatteur peut alors donner la parole aux experts afin qu’ils se prononcent sur un fait. Bien sûr ce n’est pas du tout le principe de CaptainFact qui propose à chacun d’apporter sa contribution, expert ou pas. Et il y a déjà eu de telles expériences me semble-t-il dans les années 1980 à la télévision, je ne sais pas si cela a vraiment bien fonctionné.

Quel que soit le système adopté, cela nécessitera de toute façon une adaptation des moyens techniques pour pouvoir permettre d’authentifier des personnes ayant au moins fait la preuve qu’ils comprennent ce qu’est un débat sain, une argumentation fallacieuse, un propos invérifiable et ce afin d’encadrer ce genre de débat (y compris en ligne et à distance).
Il peut y avoir des personnes assez matures pour accepter et respecter les cadre, mais dès que l’on rentre sur le terrain du militantisme, les acteurs ont tendance à prendre les débats à cœur et il est difficile de conserver un dialogue dépassionné (et même : est-ce réellement souhaitable ?). Avoir un troisième interlocuteur me semble toujours intéressant justement pour aider les débatteurs à donner le meilleur d’eux-mêmes sans retenue parce qu’il y a une personne garante du cadre.
Et pour ce dernier point, la CNDP semble avoir une place toute indiquée.

En conclusion, CaptainFact en son état actuel me semble plutôt intéressant pour traiter les débats a posteriori, mais de fait on ne peut plus revenir en arrière pour rétorquer à tel ou tel débatteur que son information ne vaut pas tripette, ce qui a pu empêcher son adversaire d’avancer son argumentation. Le fact checking a posteriori est nécessaire, mais il n’est pas suffisant. Et je suis d’accord avec Doc Fred que CaptainFact devra évoluer pour rester un acteur du débat, on en a besoin :smiley: (même si je ne suis pas aussi fort que lui pour identifier les éléments d’avenir).
Le traitement de l’interruption de débat ou de l’interaction en cours de discussion serait une possibilité intéressante.

En parallèle de cela, la CNDP pourrait traiter les problèmes de formes, de cadres, d’accords et de chartes préalables afin de permettre au débat de se dérouler dans de bonnes conditions (qu’est-ce que de bonnes conditions ? c’est très générique, désolé pour la langue de bois :frowning: ). Des éléments à accepter par exemple avant de commencer toute discussion sur des sujets politiques et destinés à un public qui potentiellement aurait à s’exprimer dessus (par les urnes, par leur achat ou non d’un journal, par leur adhésion à une action citoyenne, etc.).
Et en même temps (c’est son côté macroniste :p) elle pourrait mettre à disposition du public des formations, des moocs ou des guides de formation pour des personnes censées encadre des débats. Ainsi chacun pourrait se livrer à cet exercice et les débatteurs pourraient toujours récuser un animateur car il y en aurait d’autres de disponibles.

Cela semble un peu naïf, utopique je pense. J’espère en tout cas que ça n’a pas été inintéressant. :wink:

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